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Calixthe Beyala: “Si les Africains ne lisent pas, ils ne seront pas prêts à se nourrir et à se soigner… Car pour se nourrir et se soigner, il faut un peu d’imagination.”

Elle fait partie des écrivains les plus prolifiques de ces trente dernières années dans le monde de la littérature africaine francophone. Calixthe Beyala n’est plus à présenter. Grand Prix du Roman de l’Académie Française à l’âge de 32 ans, c’est aussi l’écrivain qui m’a donné l’envie d’écrire. J’étais donc très heureux de pouvoir discuter avec elle autour de son oeuvre globale.

Steve : Bonjour Calixthe Beyala et merci d’avoir accepté mon invitation.
Je propose que nous commencions cet échange en parlant de Calixthe Beyala, l’écrivain. A ce propos, il me souvient que vous préférez qu’on vous désigne comme étant une romancière, arguant qu’on ne devient écrivain qu’après avoir écrit un certain nombre de romans. Alors après avoir écrit plus de vingt romans, peut-on enfin vous appeler « Écrivain » ?

Calixthe : Je n’aime pas le mot écrivain tout simplement ; je le trouve esthétiquement et en terme calligraphique moins joli ; rien à voir l’appréciation… Si vous voulez je suis écrivain, mais je préfère être qualifiée de romancière. Le mot donne à rêver ; il est plus ample; plus fantastique aussi…

Steve : Votre  premier roman  C’est le soleil qui m’a brûlée a été publié en 1987. Vous n’aviez alors que vingt-six ans et l’on sait qu’à cette époque très peu d’Africains et surtout de femmes écrivaient.  Qu’est-ce qui vous a motivé à ce jeune âge à écrire un roman? Y a-t-il eu des événements difficiles dans votre vie qui vous ont donné l’envie de vous plonger dans l’écriture ?

Calixthe : Qu’est-ce qui prélude à la naissance d’un auteur ? Des blessures ? Quelques bleues à l’âme ? Quelques douleurs ? Quelques déceptions ? Peut-être une fragilité émotionnelle innée ? Peut-être aussi une dépression, l’ennuie, peut-être un peu de tout cela ? Qu’est-ce qui prélude donc à l’avènement d’un écrivain ? La perte d’un être chair ? Un problème amoureux ? Un mal être, peut-être un peu de tout cela ?

Steve : Quelques années après votre premier livre, vous avez gagné le très prestigieux Grand Prix du roman de l’Académie Française à trente-deux ans : Qu’est-ce que cela a représenté pour la jeune femme que vous étiez ?

Calixthe : Vous savez, dans ma vie au quotidien, rien ne représente rien, tout représente tout avec la même intensité ! Rien n’est vraiment important, tout est comédie sociale… Il n’y a que ceux qui n’ont pas compris qui se pensent importants… Mais j’ai été heureuse de cette reconnaissance… Ceci étant, cela n’a rien changé à ma perception du monde… Mais merci à l’Académie française.


Steve : Lorsqu’on fait une analyse globale de votre œuvre littéraire, on se rend compte que votre plume est très engagée. Vos personnages principaux, la plupart du temps, sont des femmes, des femmes désabusées, des féministes.  Pensez-vous que le travail littéraire des féministes  comme vous, ou encore Mariama Bâ, Aminata Traoré et bien d’autres  ait aidé à faire évoluer la condition de la femme Africaine, lorsqu’on sait que le lectorat africain n’est pas très considérable?

Calixthe : Les Africains n’ont pas encore perçu le besoin de lire. Mais  percevront-ils un jour la nécessité de lire pour créer, inventer dans tous les domaines ? L’Afrique est mal partie en ce sens. Ce qui est le plus choquant c’est de s’apercevoir qu’un africain va faire la critique d’un livre qu’il n’a pas lu… C’est assez extraordinaire… Qui a dit que pour cacher quelque chose à un noir, il suffisait de l’écrire dans un livre ? Je ne m’en souviens pas, qui est-ce donc ?

Steve : Avec votre permission, j’aimerais avoir votre avis sur un aspect de votre vie dont vous n’aimez pas vraiment qu’on parle : votre histoire avec Michel Drucker. Beaucoup de vos lecteurs vous reprochent d’avoir utilisé la notoriété de Michel Drucker – qui est l’un des principaux personnages de votre roman L’homme qui m’offrait le ciel – pour vous donner un peu plus de visibilité et vendre ainsi votre livre. Que leur répondez-vous ? Qui plus est : quelle  distance devrait exister entre la vie privée d’un écrivain et son œuvre littéraire ?

Calixthe : Vous vous rendez compte de cette absurdité ? Comment voulez-vous que j’utilise la notoriété d’un homme alors que j’étais déjà célèbre avant de le rencontrer ? Cela relève vraiment du peu d’estime que le noir a de lui-même. Vous vous rendez compte que l’histoire avec Drucker se passe à plus d’une décennie du grand prix de l’Académie française ? J’ignore ce que vous appelez vie privée ou publique dans le cas d’un écrivain qui écrit ses livres avec ses tristesses, ses joies, ses couacs et ses hics.

Steve : Après votre roman Le roman de Pauline en 2009, vous avez passé un peu plus de quatre ans sans proposer de nouveaux titres?            Pourquoi ce silence : Pause littéraire, manque d’inspiration ou autres préoccupations?

Calixthe : J’ai assez écrit pour ne pas me justifier sur le fait que je n’écrive pas pendant quatre ans tout de même ! Je crois qu’à cet instant, je suis l’auteure francophone qui ait produit le plus de livres dans sa carrière, ou ? Par ailleurs, vous semblez oublier ce qui s’est passé pour l’Afrique sur le plan politique entre 2010 et 2011 ! Beaucoup d’Africains sont morts sous des bombes. A moins d’être un animal insensible, cette épisode aurait d’abord dû nous interpeler, mais la quête de reconnaissance n’attend pas, n’est-ce pas ?

Steve : Vous êtes donc revenu sur le devant de la scène avec un nouveau roman Le christ selon l’Afrique salué par la critique littéraire. Mais pour moi qui vous lis depuis des années, j’ai été une fois de plus  frappé par votre style langagier avec ses florilèges de néologismes et ses accents qui lui donnent un ton unique et jamais égalé : comment l’avez-vous forgé?

Calixthe : Avec mes sensibilités…


Steve : Beaucoup de thématiques politiques sont traitées dans votre dernier livre. On peut lire à la page 126 : « L’Afrique est sur la croix. L’Afrique c’est Jésus. Elle meurt pour que le reste de l’humanité vive. C’est son sang que le prêtre boit tous les dimanches. C’est son corps, l’hostie pour sauver les hommes. »  L’on sait tous que vous êtes très politiquement engagée. Tout écrivain devrait-il être engagé ? Est-ce un devoir pour tout écrivain de prendre position face à toutes les situations monde ?

Calixthe : Non. Certains choisissent de le faire ; d’autres pas. C’est un choix intellectuel, un choix moral. Un peu choisir d’être égoïste, ne rien voir, jouer les auteurs des salons à cigares… Cela dépend de tout un chacun, sans jugement de valeur !

Steve : Vous vous présentez aujourd’hui comme étant une panafricaniste mais on se souvient que  vous avez postulé pour le secrétariat de l’OIF, qui est d’après vos propres dires un «magma d’affairistes qui pillent l’Afrique et soutiennent les guerres sur le continent. » Comment s’est opérée cette évolution dans votre perception de l’OIF?

Calixthe : Justement l’OIF aurait pu être un parfait instrument pour créer le lien entre les peuples, les cultures et les civilisations, ce qui explique cela que je me sois présentée… Mais la France n’est pas prête à la voir devenir une organisation non mafieuse, ce qui la regarde, finalement, je ne m’en exaspère pas… J’aurais plus apporté à l’OIF que n’importe qui d’autre… Finalement, il me souvient que je n’ai pas envie de donner plus que nécessaire….


Steve : Calixthe Beyala, que répondez-vous à ceux/celles qui pensent que vous n’êtes pas habilitée à écrire sur l’Afrique ou alors à traiter des sujets qui touchent l’Afrique puisque vous avez la nationalité française et ne résidez plus en Afrique ?

Calixthe : Qui pense cela ? Vous ? La jalousie ?

Steve : Avez-vous des auteurs préférés Africains, si oui qui sont-ils ? Quels sont vos rapports avec les autres écrivains Africains en général ?

Calixthe : J’aime bien Achebe ou Sony par exemple.

Steve : A la différence de la littérature africaine anglophone, la littérature africaine francophone est beaucoup moins lue, beaucoup moins traduite à travers le monde. Quel est selon vous le problème et que faut-il faire pour y remédier ?

Calixthe : Voulez-vous dire que la littérature française est moins traduite ? Cela tient à l’importance économique de la France !

Steve : Après près de trente années de carrière, vous avez eu tous les prestigieux prix littéraires, vous êtes lue et traduite dans le monde entier, ne pensez-vous pas qu’il soit temps d’écrire une œuvre autobiographique pour partager toutes vos expériences, toutes ces controverses, vos rencontres avec les chefs d’État du monde etc.?

Calixthe : Non… On n’écrit pas d’œuvre autobiographique avant au moins soixante ans à moins de souffrir d’une blessure narcissique !

Steve : Peut-on s’attendre déjà à la sortie d’un prochain livre?

Calixthe : Oui… sans doute.

Steve : En fin un dernier mot pour tous les Africains qui trouvent la littérature inutile, arguant que le problème le plus urgent de l’Africain est d’abord de pouvoir se nourrir et se soigner?

Calixthe : Si les Africains ne lisent pas, ils ne seront pas prêts à se nourrir et à se soigner… Car pour se nourrir et se soigner, il faut un peu d’imagination.


Merci Calixthe Beyala.
Source: http://stevemekoudja.com

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